CHAPITRE IV : LE RÉVEIL

Luc poussa un cri inhumain, ouvrit les yeux et découvrit une chambre d'hôpital plongée dans la pénombre et à demie dévastée, ainsi que les talons d'une infirmière qui fuyait le champ de bataille en hurlant. Une subite panne de courant affecta toute l'aile de l'hôpital où se trouvait Luc et, le temps que les groupes électrogènes de secours prennent le relai, ce fut la panique.

Luc était dressé sur son séant dans un lit d'hôpital sens dessus dessous, les yeux exorbités et le coeur battant à en faire exploser sa cage thoracique. Il y avait une telle tension dans tout son corps qu'il avait l'impression que tous ses os allaient se rompre.

De sa tête et de son torse partaient des fils reliés à des machines électroniques qui affichaient des tracés chaotiques.

Il resta un long moment les yeux fixes et hagards, avant de se laisser retomber sans forces et la tête vide sur sa couche comme un boxeur groggy.

Sa mère et son père qui étaient venus à son chevet, comme tous les jours depuis son hospitalisation, venaient de quitter l'hôpital. Ainsi, ils n'assistèrent pas à la tourmente qui venait de ravager la chambre de leur fils. Mais ils étaient très soucieux: la perplexité des professeurs sur la cause de l'état comateux de leur fils n'avait rien de rassurant et ils étaient partis très inquiets et désemparés.

Lorsque l'infirmière revint dans la chambre de Luc suivit du professeur responsable du service et de plusieurs docteurs en blouses blanches, celui-ci s'était profondément rendormi. Et tandis que l'infirmière racontait le cauchemar qu'elle venait de vivre, le professeur, perplexe, examinait Luc. Il jeta un oeil sur le graphique de l'électro-encéphalogramme et de l'électrocardiogramme. Il se gratta la tête de plus en plus perplexe, avant de dire:

- C'est à n'y rien comprendre... Son activité cérébrale est revenue alors qu'il était plongé dans un coma de type dépassé. De plus, les tracés de ses "électro" indiquent des pointes tout à fait anormales d'activités cérébrales et cardiaques au moment même où s'est produite la panne de courant. À croire que c'est lui qui a tout fait disjoncter.

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Le jour suivant son réveil, Luc apprit par sa mère que c'étaient des promeneurs qui avaient alerté les secours le lendemain de son escapade. Ils l'avaient trouvé inanimé à peu de distance de la sapinière.  La pauvre femme avait été aux quatre cents coups, parce qu'elle avait craint une fugue suite à la dispute qu'ils avaient eu ce jour là.

Son premier réflexe, pour savoir s'il avait rêvé ou non, fut de prendre pour preuve incontestable l'état de sa montre. Lorsque sa mère lui tendit, il constata qu'elle fonctionnait toujours et que le cadran n'avait aucune trace, ni rayure... Toute cette aventure n'était bien que le fruit d'un songe, malgré que les docteurs lui affirmèrent par la suite d'une façon tout à fait formelle que dans l'état de mort cérébrale où il se trouvait alors plongé il n'avait plus eu la capacité à produire du rêve.

Luc se dit que ces grands pontes, malgré leurs certitudes, se trompaient. Ce ne pouvait être rien d'autre que le fruit de son imagination, même s'il avait ressenti des sensations très fortes, intenses, et il ne considéra plus désormais ce passage de sa vie que comme tel, sans y accorder plus de crédit, ni y chercher une quelconque signification. 

Son seul regret, son fidèle compagnon, son fidèle destrier, comme il l'appelait: son vélo, n'avait pas été retrouvé. Tant pis. Profiter de ces quelques jours de repos forcé pour se requinquer, puisque les docteurs souhaitaient qu'il reste en observation jusqu'à nouvelle ordre.

Ensuite... Ensuite, retour au petit train-train quotidien; la vie avec ses cauchemars, ses angoisses et ses incertitudes.