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Même s'il courait à une allure qui aurait laissé sur place n'importe quel champion olympique du cent mètres, Luc comprit vite que ce ne serait pas ainsi qu'il parviendrait à rattraper les fuyards. Il était troublé. Il se demandait quelle était cette force qui le poussait à courir après eux; était-ce sa volonté propre ou autre chose ? À vrai dire, seul le sort de l'otage lui importait: le sauver à tout prix. Ça pourrait le racheter de... Oui... mais de quoi...? Avait -il vraiment besoin de se racheter de quelque chose ? Envers qui avait-il une dette ? Ou était-ce une idée stupide qu'il s'était mis en tête ? 

En tout cas, pour l'heure il avait vraiment le sentiment qu'il avait les moyens de venir en aide à cette fille et il ne faillierait pas à sa mission, même s'il sentait une grande confusion dans son esprit. Il avait l'impression que le Luc du présent était en conflit avec celui d'avant les événements. Alors, cette force qui le poussait à poursuivre les malfaiteurs d'une certaine façon émanait bien de lui. Cette conclusion le réconforta; ainsi, il restait maître de son destin. Il pouvait s'arrêter, personne n'irait lui flanquer un coup de pied dans le derrière ou lui en faire grief.

Mais puisqu'il avait pris sa décision: sauver l'otage coûte que coûte, pour l'instant ne plus penser à tout cela et ne se consacrer qu'à sa mission. Tous ses sens ne devaient plus être tendus que vers ce but. Faire le vide et se concentrer: voilà la priorité immédiate.

C'était toujours la folie dans les rues d'Amiens, même si cela tendait à se calmer un peu. Il constata avec surprise qu'il ne provoquait pas l'affolement parmi les gens qu'il croisait, mais attisait plutôt leur curiosité, même si certains se sauvaient bien vite en criant. D'autres ne lui prêtaient même pas attention, par contre, il en repéra qui ne le quittaient pas des yeux et qui tentaient même, semblait-il, de le suivre. Tant pis, qu'ils fassent comme ils veulent après tout; lui, il avait d'autres chats à fouetter. Et puis, il n'avait pas l'intention de rester sur la terre ferme. Luc ne savait ni pourquoi ni comment, mais il y avait une petite voix dans sa tête qui lui disait qu'il pouvait faire autrement.

C'était dément, il voyait, il entendait, il sentait, comme aucun humain aurait dû en avoir la capacité. Tous ses sens étaient amplifiés. Et que dire de ses aptitudes physiques... Il courait à une vitesse... Et il avait la sensation de pouvoir maintenir ce rythme des heures durant sans fatigue ni essoufflement. 

Luc s'arrêta et scruta le haut des habitations. Et si...? Il banda ses muscles et fit un bond prodigieux de trois mètres de haut. Il se retrouva accroché à mi-hauteur d'une façade qu'il acheva d'escalader avec une agilité simiesque et se retrouva bientôt sur le toit, d'où il scruta les environs. "Essayez toujours de me suivre", pensa t-il.

Au loin, du côté de la rue Gloriette, il crut distinguer quelque chose de suspect. Il reprit aussitôt sa course folle , sautant de toit en toit tel un "yamakazi" puissance dix, ne se rattrapant parfois que de justesse à une corniche sans jamais éprouver le moindre vertige ou la moindre peur, grisé, simplement grisé par de telles prouesses. Luc était sûr d'être sur la bonne piste à présent. Même s'il en était encore loin, il identifia avec certitude le groupe à son drôle de harnachement, aux sacs qu'il trimbalait et il distingua nettement l'otage qui se laissait porter sans réaction, comme un pantin. 

Les malfaiteurs s'étaient posés pour se fondre dans la foule. À présent, ils se dirigeaient vers la rue Gloriette, une petite rue qui débouchait sur le boulevard d'Alsace Lorraine. Ils ne pouvaient plus lui échapper. Allez, encore un saut entre deux imposantes bâtisses et il serait sur eux.

Photos Amiens (16) maternité Ste thérèse - rue Gloriette

Dans le parc de la maternité Sainte-Thérèse sise rue Gloriette, au pied d'un arbre, une mère disait à sa fille qui attendait un heureux événement:

- Je me demande pourquoi il faisait si sombre tout à l'heure et, cette tempête... À la météo, il ne l'avait pas annoncée. Je ne sais pas si c'est à cause du réchauffement climatique, mais c'était inquiétant.

- Je ne sais pas maman, et je m'en moque. Moi, la seule chose qui m'intéresse, c'est le petit être qui bouge, là, répondit la jeune femme en caressant avec amour la rondeur de son ventre.

- Et ici, je me sens en sécurité. Tu ne trouves pas que cet endroit est un havre de paix: si calme, si tranquille, ajouta t-elle juste avant d'entendre un fracas de branches cassées au dessus de sa tête, de voir ensuite une forme humaine qui poussa un "AÏE !" retentissant s'écraser à ses pieds et de se jeter dans les bras de sa mère en poussant un cri d'effroi.    

C'était Luc. Il venait de se fracasser contre l'arbre auprès duquel les deux femmes discutaient. Présomptueux, il avait surestimé ses capacités. L'autre toit était trop loin et ses doigts n'avaient rencontré que le vide d'abord, puis les branches d'un arbre qui avaient cédées sous son poids, ensuite. Il avait glissé le long du tronc avant de se retrouver aux pieds de deux femmes apeurées.

- Même pas mal, s'étonna t-il. 

Alors qu'il s'époussetait machinalement, une petite voix mal assurée lui demanda:

- Qui.. qui êtes-vous ?

Alors, il se retourna, remarqua la jeune maman qui lui avait posé la question, sa mère, et, sur l'instant, comprit où il se trouvait. Lui-même était né ici. Très gêné, il s'empressa de rassurer les deux femmes:

- Je vous en prie, n'ayez aucune crainte, je ne vous veux pas de mal.  Je voulais juste sauter d'un toit à un autre et...      

Mais comme les deux femmes ne paraissaient pas spécialement convaincues.

- Je suis humain, fit-il, comme pour s'en convaincre lui-même.

La jeune femme souffla un tout petit:

- Ah...

- Oui et je... En fait, je voulais juste sauter sur le toit de la maternité.

- De la maternité ? Mais juste ciel... Comment... Mais c'est impossible.

- Oui... Enfin... Heu... Non... Pas pour moi..., parce que... C'est difficile à expliquer, mais...

Comme Luc s'empêtrait dans ses explications, il décida de les abréger, mais avant de partir, il prit un air contrit et s'inquiéta:

-  Mais ce qui importe, madame, c'est vous et vôtre bébé. J'espère que vous allez bien..., tous les deux.

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Rassurée, elle bredouilla, émue par le désarroi sincère de son étrange interlocuteur:

- Oui..., oui, je crois que je vais bien... et l'enfant aussi...

- Tant mieux. Je suis sincèrement désolé de vous avoir effrayée. 

Luc, d'un bond, se retrouva debout sur le mur d'enceinte. Avant de disparaître, il se retourna vers les deux femme et leur cria:

- Tous mes voeux de bonheur vous accompagnent ! 

Les deux femmes le suivirent un instant du regard. Puis la future maman se tourna vers sa mère, pantoise, et lui dit:

- Dis, tu as vu..., j'ai pas rêvé... Il peut vraiment sauter d'un toit à un autre ! Un peu comme les super héros des BD que mon frère lisaient jadis. Je me demande qui il est, et surtout ce qu'il est...

- Aurons-nous un jour la réponse, ma fille ? J'en doute. Et si nous racontons ça, on nous prendra pour deux folles.

- Oui maman, c'est sûr. En tout cas, qu'est-ce que j'ai eu peur... Rentrons, c'est mieux.

Naturellement, le commando des Aigles avait profité de la maladresse de Luc pour s'évanouir dans la ville. Le garçon s'en voulait de s'être laissé bêtement grisé, mais il était trop tard pour avoir des regrets. Cette fois-ci, c'était sûr, il ne les retrouverait pas. Le sort de l'otage le tracassait. Il craignait un dénouement tragique. Alors, tête basse, honteux, il s'assit au pied d'une cheminée et songea qu'il serait peut-être temps de s'inquiéter de sa propre situation. Les émanations de ce pouvoir étaient peut-être dangereuses pour lui; et puis il ne pouvait pas se présenter avec cet aspect d'aurore boréale devant ses parents.

Le Rapace était furieux. Pendant que Luc s'excusait dans le parc de la maternité, un fâcheux contre-temps bouleversait le plan qu'il avait si méticuleusement mis au point: une camionnette devait l'attendre, lui et ses hommes, sur une contre-allée parallèle au boulevard d'Alsace Lorraine, un endroit stratégique, bien pratique pour pouvoir se dégager rapidement, mais ce n'était plus d'actualité, deux fourgons de police ayant eu la fâcheuse idée de stationner rue Gloriette, ils ne pouvaient pas se risquer à passer sous leur nez. Le Rapace se dit qu'il y avait eu assez de grabuge comme cela et que même si jusqu'à présent la chance leur avait toujours souri, il était inutile de tenter le diable. Il appuya sur le bouton de son émetteur-récepteur et fixa au chauffeur un nouveau point de rendez-vous du côté de la synagogue rue Vadé.

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- Négatif ! s'entendit-il répondre. Les "poulets" y sont aussi ! Au carrefour entre la rue des Francs-muriers et la rue rue Vanmarcke, ça ira ou c'est trop loin ?

- S'il n'y a pas de comité d'accueil, on fera avec ! C'est OK ! pour ce nouveau point de chute ! Allez GO ! J'ai pas l'intention de pique-niquer dans le coin !

Luc s'abîmait encore dans ses réflexions existentielles, lorsqu'une plainte attira son attention. Il se redressa et découvrit Ô divine surprise: les braqueurs de banque qui crapahutaient rue de l'Oratoire en direction de la cathédrale traînant toujours la jeune stagiaire sans ménagement; il pouvait dire merci à son ouïe améliorée. Il n'en revenait pas: pourquoi se risquaient-il par terre alors qu'ils pouvaient voler et pourquoi avaient-ils rebroussé chemin ? Tout cela n'était pas logique. Ils paraissaient complètement désorganisés. Bon, ce n'était pas qu'ils étaient gênés par les passants qu'ils croisaient, impressionnés, sur leur passage, ceux-ci se mettaient sagement à l'écart. Il ne chercha pas à comprendre. Il sauta au pied de l'immeuble et reprit la poursuite. 

Alors qu'il se rapprochait à vive allure des malfrats ralentis par leurs mini-réacteurs, leur butin et l'otage, l'un d'eux jeta un coup d'oeil par dessus son épaule. Il repéra Luc et donna aussitôt l'alerte:

- On a comme un "blème" chef ! On est poursuivi par un gars bizarre qui porte des fringues brillantes !

Le Rapace rétorqua:

- Pas le moment de raconter des conneries, on a plus urgent à faire ! 

L'autre insista:

- Je suis très sérieux ! Regardez par vous même ! 

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Le Rapace qui croyait à une mauvaise blague se retourna de fort mauvaises grâces, se promettant d'en faire passer à son auteur le goût dès que possible. Et son regard tomba sur la silhouette auréolée qui leur filait le train. Après les flics qui stationnaient au mauvais endroit et au mauvais moment, l'obligeant à revoir son plan dans l'urgence, ce nouvel aléas eut pour effet immédiat de faire encore monter sa colère d'un cran et il maudit la faible autonomie des mini-réacteurs. Faisant preuve d'une grande maitrise, il ne se démonta pas pour autant En deux secondes, il prit une décision et donna aussitôt ses consignes:

- Bon, vous tous écoutez-moi ! Fini de jouer, les choses se gâtent ! Ce gugusse est trop rapide ! Le moment d'utiliser notre "joker" est venu ! Toi, tu te désharnaches de l'otage ! Marty, tu t'en charges ! Comme t'es un poids plume, t'es le seul qui a encore assez de carburant pour effectuer un petit saut au sommet d'une des tours de la cathédrale qui donnent sur le parvis ! Elle qui implorait son Dieu, tout à l'heure, elle va être comblée... Elle n'en aura jamais été aussi proche ! Et ça fera une excellente attraction pour les touristes ! Tu y flanques la pétasse et si le gugusse qui nous file le train est envoyé par la flicaille, il devrait s'en occuper et nous foutre la paix ! Mais si c'est pas le cas..., armez vos pistolets-mitrailleurs et préparez vous à faire un carton ! On passe par le parc de l'évêché et la place du Don ! Dès que tu as déposé ton "colis" Marty, tu files au point de rendez-vous ! 

- Nooon !!! hurla la fille. Non, je vous en supplie !!! Nooon !!!

Mais ses supplications n'y firent rien et devant les passants effarés, elle se retrouva bientôt dans une bien périlleuse situation, cramponnée désespérément sur le toit d'ardoises en forme de cône de la tour du côté de la porte "Saint-Firmin du Martyr" qui surplombe la majestueuse et imposante cathédrale d'Amiens.

La malheureuse, ne poussait plus que de petites plaintes pitoyables. Elle savait qu'elle ne pourrait pas tenir très longtemps.

Du pied de la cathédrale, des voix horrifiées s'écriaient: " Vite, appelez les pompiers, le SAMU !", une autre:"Elle va tomber ! Un drap ! Quelque chose !" et encore une autre:" Elle va lâcher ! Elle va lâcher ! Ô Seigneur ! Les secours ne seront jamais là à temps !" D'autres conseillaient d'éloigner les enfants. L'émotion était palpable. Il y avait ceux qui priaient avec ferveur et d'autres qui pleuraient tant la situation paraissait critique et la jeune femme, dans leur esprit: déjà perdue, irrémédiablement perdue.

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Luc était atterré. Voilà, en voulant venir en aide à cette pauvre fille, il n'avait fait que la mettre dans une situation encore plus périlleuse. Pourrait-il la tirer de ce mauvais pas ? L'affaire était mal engagée ! Escalader un immeuble de trois étages était une chose, mais gravir un édifice comme la cathédrale en était une autre. Avait-il le choix, seulement. Déjà, prier pour qu'elle tienne bon jusqu'à ce qu'il arrive sur place. Après, il devrait improviser et, pour une fois, faire preuve d'efficacité.

Lorsqu'il fit irruption sur le parvis de Notre Dame d'Amiens, un long murmure parcourut la foule intimidée par l'apparence du nouveau venu et le passage s'ouvrit automatiquement, respectueusement, devant lui. Et lorsqu' après avoir jeté un coup d'oeil vers la jeune femme en détresse, il se lança à l'assaut de la muraille de l'édifice religieux, quelques exclamations de stupeur et d'admiration fusèrent avant qu'un silence sépulcrale ne s'installe. La respiration suspendue et les yeux rivés sur la silhouette qui se jouait de la force d'attraction et progressait avec une aisance inouïe, les témoins ne perdaient pas une miette de cette scène hors du commun. Décidément, c'était la journée de l'étrange à Amiens.

Luc est agréablement surpris. La moindre anfractuosité représentant une prise sûre, il n'éprouve aucune difficulté pour se hisser vers les hauteurs de la cathédrale et sa peur du vide semble l'avoir abandonné.

Dans sa fuite, le Rapace appuya sur le bouton de son émetteur-récepteur et s'informa de la réaction de leur poursuivant auprès du dénommé Marty.

- OK ! chef, c'est bon ! La "luciole" joue à "spiderman" sur les murs de la cathédrale ! 

- C'est pas une raison pour lambiner ! Allez les gars, on se magne le train ! encouragea le Rapace. 

La jeune femme a beau crisper ses doigts désespérément autour de la partie la plus étroite, peu à peu elle lâche prise et glisse lentement, inexorablement, et elle émet de petites plaintes à peines audibles, poignantes, qui se transforment en hurlement strident lorsqu'elle lâche prise pour de bon et est happée par le vide sous la clameur horrifiée de la foule et le rire moqueur pétrifié des gargouilles qui paraissent se réjouir de la situation. 

Alerté par la rumeur qui monte, Luc lève la tête et découvre les yeux exhorbités par l'horreur la forme sombre qui fond sur lui. 

Et bien voilà, elle chute. La messe va être dite. Il doit la saisir au passage, et pas de deuxième chance... Et si d'aventure il parvient à l'attraper, forcément, il en résultera une très forte secousse... Y résistera-il, ou chuteront-ils tous les deux. Sa prise est infime, insignifiante: le bout de trois doigts cramponné sur une saillie d'un ou deux centimètres peut-être. Non, ne pas se poser de question, parce qu'il a l'impression de vivre la scène au ralenti et cette relativité du temps aidant, il sent des réminiscences de vertige qui tentent de s'inviter en lui.

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La pauvre fille ferme les yeux et, résignée, attend le contact brutal, fatal, avec le sol qui la délivrera de tous ses tourments. Mais au lieu de cela, elle sent une poigne ferme se refermer sur sa main et la stopper net dans sa chute. D'en bas, des clameurs chargées d'appréhension se font entendre. La jeune stagiaire terrorisée ouvre les yeux pour découvrir qu'elle est toujours vivante, mais qu'elle se balance dans le vide au bout du bras d'un étrange individu qui lui se tient... à rien ! Accroché à la paroi..., comme une araignée humaine. Cette situation improbable n'a rien de rassurante. Cet humanoïde qui tient plus de l'extraterrestre que du bon vieux terrien devrait la terroriser... Et pourtant, qu'est-ce qu'il est rassurant... Qu'importe ce qu'il est. Il est le premier à faire preuve de compassion pour elle depuis un temps qui lui a paru une éternité et, maintenant, d'une sacrée abnégation: elle ne le lâchera pas.

Luc va de surprise en surprise. Il a bien supporté le choc. A vrai dire, il l'a à peine ressenti, et l'idéation au ralenti de la scène lui a permis de se saisir sans trop de difficulté du poignet de la jeune fille. Comme elle ne semble rien peser, au bout de son bras, il la hisse à sa hauteur et aussitôt, la malheureuse, sans se soucier de la nature de son sauveur, se cramponne à son cou et l'enserre fébrilement de ses jambes sans penser qu'elle pourrait, en agissant ainsi, compromettre ses chances de survie en provoquant la chute de son porteur. 

La situation est irréelle, insensée. Luc a du mal à croire que c'est bien lui qui est ainsi agrippé sur le fil ténu d'une muraille avec une fille cramponnée sur le dos dont il sent les battements effrénés de son coeur, son souffle chaud et haletant sur sa nuque et les tremblements incoercibles qui agitent son corps tout entier. Il voudrait la rassurer. Il doit la ramener sur le parvis. Alors, faisant fi de sa passagère tétanisée, il redescend prestement et la confie aux bons soins de policiers municipaux qui accourent pour la prendre en charge, alors qu'elle s'évanouit. Au loin, la sirène des pompiers annonce leur arrivée imminente.

Sur le parvis, la tension est retombée, mais les discussions vont bon train. Des flashs crépitent. Luc est devenu l'attraction première. Il est temps pour lui de s'éclipser. 

Un long frisson lui parcourt l'échine, lorsqu'un clap clap clap d'abord timide se transforment en une ovation générale de tout le parvis qui est noir de monde. Des bravos fusent de toutes parts. C'est énorme. 

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Comme son intervention de sauvetage avait été plutôt brève, il se dit qu'il avait peut-être encore une petite chance de mettre le grappin sur le commando des Aigles. Malgré le stress engendré par la situation, Luc n'avait pas perdu le nord et avait bien remarqué qu'après avoir abandonné l'otage au sommet de la cathédrale, le type avait filé en direction du quartier Saint-Leu. Pas bien loin, puisqu'il était en vol descendant. Alors, si c'était encore possible, pourquoi ne pas faire d'une pierre deux coups ?

Sa décision prise, il repartit au pas de course aux trousses des malfrats et bien lui en prit. Débouchant rue des Flatters, il les repéra alors qu'ils arrivaient au carrefour entre la rue Vanmarcke et la rue des Francs Mûriers. Surgit d'abord le Rapace et quelques secondes plus tard, le reste du groupe. Ralenti par tout leur barda, ils se traînaient, seul le Rapace paraissait facile, trop facile même. Malgré son mini-réacteur sur le dos et un imposant sac de butin à chaque main, sa mitraillette en bandoulière battant sur son torse au rythme de sa course, il allait devant ses hommes les encourageant même à presser le pas, alors qu'ils étaient nettement moins chargés que lui. Cela en était presque qu'inquiétant. Est-ce que le Rapace était un surhomme ?

Pas de bol, tous s'engouffrèrent dans une camionnette qui les attendait et qui démarra en trombe en direction de la place Vogel avant même que la porte arrière ne se soit refermée sur le dernier homme monté à bord. Ils allaient de nouveau lui échapper.

Luc s'élança alors rue Haute des Tanneurs, une petite rue parallèle à celle empruntée par le véhicule des fuyards. Il sauta et sprinta sur le parapet d'un pont qui longe un affluent de la Somme pour ne pas être ralenti par les passants. Lorsqu'il déboucha place Vogel, Luc n'eut que le temps de voir la camionnette disparaître vers la rue d'Australie.

Photos Amiens (32) Poursuite - Luc prend vélo devant ce ca

Même avec son pas de course surpuissant, il ne pourrait jamais rivaliser avec leur véhicule. Emprunter une voiture ? Il ne sait pas conduire. Impliquer un automobiliste dans la poursuite ? Pas question. Trop dangereux. Ce fut alors qu'il aperçut un vélo, un vtc (vélo tout chemin) garé sur le trottoir dont le propriétaire qui sortait d'une Maison de la presse s'affairait justement à en retirer l'antivol tout en disant au patron qui l'avait raccompagnait jusqu'à son pas-de -porte:

- Moi j'vous dis que c'étaient pas des nuages ! Il y avait comme quelque chose de solide...

- Oui, mais quoi ?

- Ben..., à vrai dire, j'en sais fichtrement rien, mais y'avait comme des reflets métalliques... J'sais pas quoi et je veux même pas chercher à savoir... J'prends mon vélo, j'retourne à Naours et j'file me planquer dans les grottes.

Penché sur son vélo, il n'avait pas vu le propriétaire de la Maison de la presse blêmir et reculer dans sa boutique et il sursauta lorsqu'une voix lui dit: 

- Je suis navré, mais il faut absolument que j'emprunte votre vélo...

Il se releva d'un bond et fit volte-face. Il allait lui montrer de quel bois il se chauffait, à ce voleur impudent. Mais lorsqu'il découvrit à quel personnage étrange il avait à faire, sa jauge d'audace tomba d'un coup au niveau zéro et quand Luc ajouta joignant le geste à la parole: "... je me permets", il blêmit à son tour et s'effaça en bredouillant:

- Ou... oui... Je...,  je... Je vous en prie... Je prendrais le car.

Luc l'enfourcha, et alors qu'il pédalait déjà comme un forcené, il se retourna et lança à l'adresse de son propriétaire:

- Je ferai tout mon possible pour que vous puissiez le récupérer ! 

Éberlué, celui-ci rentra dans la Maison de la presse et demanda au patron:

- Euh... Il y a des grottes à Amiens ?

Sur un vélo, Luc était adroit. Ça, c'était son truc. Il roulait aussi vite que possible, slalomant dangereusement entre les voitures et les camions qui l'incendiaient d'appels de phare, de coups de klaxon rageurs et de poings tendus. Luc n'en avait cure. Lui n'avait qu'un objectif: mettre la main sur le commando des Aigles et pour cela, il n'avait plus le temps de lanterner. Alors, tant pis pour le code de la route; et il enfila les refus de priorité, les feux rouges grillés et toutes les infractions au code de la route possibles et inimaginables, comme des perles, n'évitant parfois l'accident que d'un cheveux. 

Un routier qui livrait des voitures à un garage situé peu après le rond-point de la rue de Grâce paralysait la circulation. Il descendait la dernière voiture de son plateau supérieur, aidé en cela par le patron du garage qui faisait la circulation sous les coups de klaxon impatients des automobilistes excédés tout en leur désignant avec force gestes tous les accotements  occupés par des véhicules en stationnement et ça commençait sérieusement à embouteiller, entre les voitures bloquées dans les deux sens sur la rue d'Abbeville par le garagiste et celles qui descendaient la rue de Grâce et qui avaient tentées de se frayer un chemin.

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Luc, de loin, se dit qu'un cycliste se jouerait sans difficulté de ce bouchon et lorsqu'il se rendit compte de son erreur, il était trop tard, bien trop tard. Il roulaient trop vite, bien trop vite et le système de freinage du vélo ne résisterait pas bien longtemps à la sollicitation anormale qui s'imposait.

Il repéra le camion du livreur de voitures, le pont supérieur était accessible. Sauvé. Luc appuya de plus bel sur les pédales et le vélo traversa le pont du camion comme un météore, passa par dessus la cabine et rebondit sur le toit de plusieurs voitures avant de retrouver le bitume sous les vociférations, les menaces et les bras d'honneur  des automobilistes furieux. Sans s'en soucier, il s'arrêta un instant et détailla toutes les voitures arrêtées; Non, celle qui l'intéressait ne se trouvait pas parmi elles. 

Malgré tous ses efforts, les "oiseaux" s'étaient bien envolés. Comme il était toujours incendié d'invectives et que certains téméraires furibonds approchaient, Luc, pour dépité qu'il était, se dit qu'il était temps pour lui de lever le camp et de rentrer chez lui. 

Rentrer chez lui...? Dans cet état ? Impossible ! Impensable ! Il fallait d'abord qu'il trouve le moyen de se défaire de cet habit de lumière. Le problème, c'est qu'il ignorait comment faire et cela était-il seulement possible. Luc commençait à trouver que les choses prenaient un tour désagréable, inquiétant, et un frisson le parcourut des pieds à la tête. Il avait envie de hurler: "Hé ! chevalier de l'espace, vous avez oublié de me donner le mode d'emploi !" 

Il fallait qu'il trouve un endroit tranquille pour réfléchir.

Le bord de Somme, du côté du hameau d'Étouvie, au bout du champ, après les dernières maisons du nouveau Dreuil lès Amiens. L'endroit serait parfait. Inutile de faire des kilomètres. 

Alors qu'il dépassait le pont de l'autoroute A 16 qui surplombait la rue d'Abbeville, son coeur ne fit qu'un bond: là-bas, cette camionnette, au loin, qui s'engageait sur le chemin du hameau d'Étouvie justement... Non, il ne rêvait pas, c'était bien celle du commando des Aigles. Là c'est sûr, les bandits ne pouvaient plus lui échapper.

La voiture stoppa à la première maison, devant un entrepôt fermé par un rideau métallique. Un homme en sorti, ouvrit les portes arrières de sa camionnette et déchargea... des sacs de ciment et autres matériaux de construction. Fausse alerte. C'était un artisan qui avait un véhicule qui ressemblait au détail près à celui des malfrats. 

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Voilà qui sonnait définitivement le glas de tous ses espoirs. Ce ne serait pas lui qui mettrait un terme à la carrière du commando des Aigles, mais si d'aventure il parvenait à contrôler ce mystérieux pouvoir, il avait une petite idée derrière la tête: il avait bien envie de s'occuper du cas de ce pervers qui s'attaquait aux jeunes filles de la région. Plusieurs l'avaient déjà payées de leur vie, égorgées. S'il pouvait réduire à néant ce fléau, peut-être serait-il en paix avec son âme... Enfin.

Maintenant qu'il se trouvait à l'abri des regards, embusqué dans un buisson au bord de la Somme, il se disait que sa situation était insoluble. Pour ôter cette carapace luisante, peut-être qu'il y avait un code ou une formule magique à prononcer. Peut-être qu'elle n'obéissait qu'aux injonctions prononcées dans sa langue d'origine extraterrestre ? Et dans ce cas...

Tag(s) : #Stars Knights Legend Époque 1 LE COMMENCEMENT
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