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Luc en était à ce point de ces réflexions, désemparé, quand son attention fut attirée par le bruit de moteur d'un véhicule qui cahotait doucement sur le chemin du halage, sur l'autre rive. Il n'avait pas la berlue. C'était bien la camionnette du commando des Aigles qui s'engageait dans le parc de la vaste propriété qui lui faisait face. Oui, cette fois-ci, plus de doute. Il identifia formellement les hommes qui en descendirent, malgré qu'ils avaient revêtus des habits ordinaires. Puis la voiture redémarra et s'arrêta un peu plus haut dans la propriété. Le chauffeur descendit ce qui pouvait-être les mini-réacteurs et les sacs contenant le produit de leur larcin, puis rejoignit les autres à l'intérieur de la grande bâtisse.

Luc se jeta à l'eau et traversa le fleuve avec une aisance de delphinidé et s'approcha discrètement de la propriété. Comme personne n'était en vue, il se risqua dans le parc. En usant de ruses de sioux, d'arbre en arbre, de buisson en buisson, il s'approcha de l'imposante demeure. Apparemment, il n'y avait ni guetteur, ni chien: "Étrange", songea t-il. "Tant mieux." Il fit le tour de la bâtisse en jetant des coups d'oeil furtifs au travers des fenêtres et des portes-fenêtres du rez-de-chaussée. Aucun signe de vie. Tout ce petit monde semblait s'être volatilisé.

Mais alors que Luc, le nez collé à la vitre d'une porte-fenêtre, fouillait du regard une grande pièce qui devait faire office de salle et de salon, avec son imposante table en bois massif flanquée d'une dizaine de chaises assorties, son lourd bahut de style, plus loin, sa comtoise, son guéridon entouré d'un canapé d'angle complété par deux fauteuils de style également, la porte s'ouvrit. Très vite, il se jeta sur le côté. Un coup d'oeil derrière, toujours personne en vue; il allait pouvoir les épier.

Très vite, il risqua un oeil et fit le décompte. six hommes étaient là. Il devait faire attention. Il y en avait un qui traînait quelque part. 

À l'intérieur de la pièce, la conversation était animée. Visiblement, certains étaient mécontents. 

Soudain, une voix annonça:

- Voilà le "Boss" ! On va pouvoir lui expliquer notre façon de penser ! On est tous tombés d'accord, hein, les gars ! pas de dégonflés !

- Ouais, ouais, répondit un concert de voix dont toutes ne paraissaient pas convaincues.

La bande était au grand complet. Luc se dit que c'était le moment idéal pour intervenir.

Une nouvelle voix se fit entendre:

- On va devoir attendre pour le partage. Le "Big Boss" n'arrivera pas avant minuit. Il est en affaire... Mais lorsqu'il arrivera, il pourra constater que l'opération LCL a été un succès complet, malgré les petits impondérables que nous avons eu. Il nous adresse toutes ses félicitations. Il trouve qu'on s'en est bien tiré et que tout cela ne remet nulement en cause la suite de notre programme. 

Il jaugea ses hommes du regard, comme si il sentait la tension contenue et poursuivit avec enthousiasme:

- Le costume pare-balles avec son exosquelette intégré m'a l'air tout à fait au point. Grâce à lui, je me sens parfaitement protégé et il me confère une force prodigieuse...

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En écoutant toutes ses louanges, un des hommes n'y tint plus et rétorqua avec virulence et sans le vouvoiement respectueux qui était habituellement de mise entre eux:

- Ouais ! Parle pour toi ! Justement nous en parlions avant que tu arrives ! Toi tu as une protection pare-balles globale ! Toi tu es équipé d'un exosquelette ! Et nous ? C'est pas compliqué ! Nous: que dalle, nada ! Si vous vous faite tirez dedant, comme Fredy tout à l'heure... Démerdez-vous ! Et les mini-récteurs... Parlons-en ! Quand ça se passe bien, OK ! Sinon..., elles sont belles les cibles ! On est loin d'être des supersoniques et avec l'autonomie, bonjour ! Alors, c'est quand qu'on allonge l'oseille pour nous équiper aussi ?

Luc campé sur ses ergots sapprêtait à bondir dans la pièce. 

Un autre, un balèze renchérit:

- Et que tu te sois autoproclamé chef, je trouve pas ça honnête ! Pourquoi toi plutôt qu'un autre ? Tu crois que tu vaux mieux que nous ! Que tu as plus de qualité ! Mais qu'est-ce que t'es sans ton exosquelette ? Rien ! Une merde ! Si je veux je te prends la tête entre les mains et je la fais éclater comme une vulgaire pastèque !

- Oh ! Oh! se dit Luc. En voilà un qui veut être calife à la place du calife. Laissons la situation se décanter un petit peu d'elle-même. Avec de la chance, ils vont se neutraliser eux même, je n'aurai plus qu'à finir le travail.

Le Rapace sentant que le contrôle de la situation lui échappait, tenta pour les ramener à de meilleurs sentiments:

- Du calme les gars, du calme. Je suis chef, parce qu'il en fallait un et que ça c'est fait comme ça ! C'est moi après tout qui ai été contacté par ceux de la "sphère", les tout puissants. 

- Ouais, mais avant on était au même niveau ! Maintenant, c'est des Môssieur par-ci, Môssieur par-là, et vouvoyez-moi s'il vous plaît, ça fera mieux pour mon nouveau standing !

- Si vraiment ça vous gêne... Et pour le reste, c'est prévu ! Une partie du casse de ce jour doit être allouée à votre nouvel équipement. Il sera aussi performant que le mien. Le "Big Boss" m'a assuré que ceux de la "sphère" désiraient avoir un commando de choc pour une efficacité optimum et inspirer la crainte à tous ceux qui voudraient s'opposer à nous, comme ce minable commissaire Lebiloute et ses pseudos unités de choc GIPN, RAID et consort ! La France est orpheline de MAFFIA, leur ambition: créer une organisation criminel qui inspirera encore plus le respect et la terreur, pour à terme, chapeauter toutes les activités souterraines et l'économie parallèle. Ils n'ont pas l'intention de laisser ça à toutes ces petites merdes de quartier qui se prennent pour des caïds alors qu'en fait, ils ne sont que des moutons, noirs bien souvent. Ah ! Ah ! Ah !

Sa blague était peut-être bonne, mais elle ne dérida pas les autres. Décidément, il y avait comme un malaise.

Néanmoins, ne se décourageant pas pour autant: 

- Quant à ces salopards qui viennent d'Afrique, des pays de l'Est ou d'Albanie, pas questions qu'ils continuent à se faire du blé sur les dos des putes... C'est un marché à conquérir !

Soudain, il sentit une grosse pogne se saisir de son col:

- T'as oublié une petite chose, mec ! Je suis un de ces salopards qui vient des pays de l'est et je travaillais dans la pute avant de me faire serrer. 

L'autre s'empressa:

- Faut pas le prendre mal Vladimir... J'disais pas ça pour...

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Il ne put achever sa phrase. Il se prit une belle mandale dans la figure. Il y eu un bref échange de coups de poings et le Rapace mordit la poussière. Blessé dans son amour-propre, furieux, il quitta la pièce en leur assurant d'un ton mauvais qu'il ne manquerait pas d'informer le "Big Boss" de ce vent de révolte et qu'il n'apprécierait sûrement pas, sous les ricanements et les quolibets des autres.

"Raciste, bien fait pour toi", pensa Luc.

- Faire de nous de vulgaires dealers ou maquereaux, tu parles d'une ambition, grinça un autre. 

Un autre la mine réjouit ne put s'empêcher de s'exclamer:

- En tout cas, voilà qui devrait l'avoir calmé pour quelque temps ! Commençait à y'en avoir marre de ses grands airs !

Luc était déçu. Ils s'étaient à peine frités. Bon, c'était pas grave. De toute façon, après réflexion, il valait mieux qu'il revienne cette nuit pour cueillir cette petite troupe avec le "Big Boss". Ce serait vraiment stupide de laisser filer un gros poisson comme ça. Et ensuite, la police n'aurait plus qu'à le cuisiner (normal pour un poisson, après tout) et remonter jusqu'à ce que le Rapace appelait: la "Sphère". 

Luc s'apprêtait à partir pour aller... Aller où...? Dans son état il ne savait trop, lorsqu'il entendit un grand bruit dans la pièce. La porte venait de voler sur ses gonds et de livrer le passage au Rapace revêtu de son exosquelette. 

- Alors les gars ! rugit-il d'un ton mauvais. Qu'est-ce qu'on dit maintenant ! Alors ! On rigole plus ?

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Les mouches avaient changé d'âne et ses complices n'en menaient pas large. Ils unirent leurs forces pour faire front au Rapace, mais ils ne firent pas le poids. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il leur flanqua une sacrée dérouillée. C'était impressionnant à voir et..., Luc l'était... impressionné.

- Alors, on continue ? brailla le Rapace à ses adversaires dont certains étaient bien amochés: en fait ceux qui l'avaient le plus chambré et les autres bien froissés quand même.

Domptés, ils capitulèrent et rentrèrent dans le rang.

Fixant Vladimir d'un regard mauvais, Le Rapace avertit: 

- C'était la première et la dernière insubordination ! Je n'en tolérerai pas d'autres ! 

Après un long silence chargé de menaces:

- C'est bien compris ?

Soumis, tous aquiéscèrent d'un signe de tête.

- Alors, maintenant, j'entends que vous m'obéissiez au doigt et à l'oeil !

Puis pour montrer qu'il était compréhensif et qu'il pouvait lui aussi faire preuve de bonnes volonté, mais jusqu'à une certaine limite:

- Mais quant à votre équipement, je comprends vos revendications. Elles sont légitimes et croyez qu'elles seront satisfaites. Néanmoins, je tiens à vous le signaler: vos exosquelettes ne seront pas aussi performants que le mien. Ils seront réglés de façon à développer une puissance inférieure à la mienne. Alors, ne tentez pas de jouer au plus malin. À bonne entendeur, salut ! ET pour ceux qui voudraient quitter le groupe... OK ! Mais ce sera à vos risques et périls ! La "sphère" est une grande famille et elle n'apprécie pas trop qu'un de ses membres la quitte. Vous savez ce que c'est, on s'attache... Ce sont de grands sentimentaux. À propos, quant aux choix de ses activités, et à sa volonté de diversification, abstenez-vous de la juger. Je crois que ceux de la "sphère" n'apprécieraient vraiment pas, et quand ils sont contrariés...

Il se tourna vers l'un des hommes qu'il avait plutôt ménagé et lui ordonna:

- Tu vas au chenil et tu sors les chiens ! 

"Zut", pensa Luc, " Des chiens, manquait plus que ça. Ce sera moins simple que prévu. Et il est vraiment temps que je mette les bouts."

Il n'était pas tard, la comtoise marquait à peine dix-huit heures. Il devrait patienter jusqu'à minuit, et voilà qu'il pouvait même pas rentrer chez lui alors que c'était à deux pas. Quelle misère ! Décidément, il ne savait pas comment se défaire de cette peau luisante et cela commençait sérieusement à lui foutre les "boules". Serait-il condamné à rester ainsi, toute sa vie. Cette perspective n'était pas des plus réjouissantes. 

Caché dans des buissons, sur le coté de la propriété, au bord d'un putride marigot, résigné et las de penser, mais surtout de sa journée qui avait été plutôt trépidante, Luc finit par s'abandonner à la torpeur.

Bientôt, il se mit à rêver, et dans ce rêve, il se voyait déambuler dans une salle gigantesque, inconnue, mais qui lui paraissait pourtant familière. Elle était habitée par une multitude d'écrans plats pâles, des consoles où clignotaient une myriade de voyants avec devant des sièges ergonomiques comme il n'en avait encore jamais vu, une sorte d'îlot central avec un grand panneau transparent vertical identique à ceux que l'on rencontre dans le poste de commandement d'un porte-avions. Puis il y avait ce léger ronronnement. 

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Soudain, une voix qui oscillait entre l'humain et le synthétique résonna:

- Bienvenu à bord du superspatiocuirassé: Soleil Noir, chevalier Antarès.

Surpris, Luc regarda autour de lui et ne vit personne. Il était seul. Il avait bien compris que c'était une machine qui lui parlait, mais où bigre se trouvait donc le susnommé Antarès ?

- Je suis Mémorex, l'ordinateur-maître de bord de ce vaisseau. Je suis son passé, son présent, son avenir: son histoire. Les chevaliers Asturions qui le commandent se succèdent, moi je suis à son bord depuis ses origines et il en sera ainsi jusqu'à sa destruction ou jusqu'à ce qu'un virus informatique dévastateur suffisamment sophistiqué puisse déjouer mes systèmes de sécurité et me neutraliser: je SUIS le Soleil Noir, son âme son cerveau. Vous, les humains, sans cerveau vous n'êtes rien... Il en est de même pour ce vaisseau. Cependant, sans commandant, sans équipage, sous mon unique contrôle: il n'est pas opérationnel, mais en état de veille, néanmoins sous systèmes d'auto-défenses passifs, nullement vulnérable. Avec un commandant et son équipage, mais sans moi, ce bâtiment ne serait qu'un tombeau impossible à manoeuvrer et sans défense. Non, jeune terrien ne cherche pas autour de toi. Tu es la seule forme de vie organique à bord de ce vaisseau. TON vaisseau, en tant que porteur du Pouvoir unique qui fait de toi le chevalier Asturion et commandant par intérim de fait du Soleil Noir, depuis que le chevalier Isthar d'Achclépios t'a transmis ce pouvoir qui était le sien, mais qu'arrivée aux portes de la mort n'avait plus d'autre choix que de le confier, pour en assurer la pérénité à travers le temps, à un être organique doué d'intelligence. Le destin a voulu que ce soit toi. Il eut mieux valu qu'en toi il ne se réveilla pas. Cela complique une situation déjà délicate, mais ce qui est fait est fait. Tant que le Pouvoir coulera dans tes veines, chevalier Asturion tu seras et au nom d'Antarès tu répondras. 

Après un silence, le tout frais émoulu (adoubé) chevalier Antarès se demandait s'il devait aborder les problèmes qu'il rencontrait quant à l'utilisation de ses pouvoirs ou si cela pouvait lui nuire, mais il fut devancé et s'en trouva tout soulagé:

- Je sens qu'en toi le Pouvoir unique provoque déjà un grand désarroi. La méconnaissance que tu as de ce pouvoir est la cause de ton manque de maîtrise et de l'inquiétude qui en découle. T'éclairer sur lui est mon rôle. C'est un pouvoir intelligent. Il n'a pas été conçu pour nuire, mais l'ôter par toi-même tu ne le pourras. Mais qu'il se mette en état de veille, par la pensée tu le demanderas et alors, ton apparence normal redeviendra.

Alors qu'Antarès s"apprêtait à demander s'il lui serait possible de solliciter à nouveau le Pouvoir, il y eut un bruissement au dessus de sa tête suivi d'un hululement. Tout s'estompa autour de lui et il ouvrit les yeux. Il était allongé au beau milieu d'un buisson, au bord d'un ru nauséabond. Il faisait nuit noire et il avait été réveillé par une chouette ou un hibou.

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Luc se frotta les yeux et reprit pied dans la réalité un peu troublé par le rêve qu'il venait de faire; il avait eu l'air si réel. Puis il se ressaisit: "Ah ! oui", songea t-il. " Le commando des Aigles, le "Big Boss"."

Il jeta un oeil dans le parc de la propriété maintenant plongé dans l'obscurité. Aucune lumière ne filtrait des volets clos. Grâce au Pouvoir qui améliorait sa vision nocturne, il pouvait discerner assez précisément tout ce qui se trouvait dans le parc: il n'y avait pas de nouvelle voiture et les chiens étaient invisibles. Donc le "Big Boss" n'était probablement pas encore arrivé et avec un peu de chance, les chiens étaient rentrés au chenil.

Machinalement, il jeta un coup d'oeil sur son poignet... " Zut ! C'est vrai, j'ai plus ma montre." Le temps lui paraissait interminable. Ses parents devaient se faire un sang d'encre. Peut-être que la police le recherchait. 

Bientôt, l'église de Dreuil lès Amiens égréna les heures. Luc les compta: "Douze coups, il est minuit. En principe, c'est l'heure. Il n'est pas ponctuel le "Big Boss". J'espère qu'il ne va pas faire faux bond, ou qu'il n'est pas déjà venu, pendant que je dormais. Zut ! Pourquoi je me suis assoupi ?" 

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Soudain, deux phares trouèrent les ténèbres le long du chemin du halage. Aux abords de la maison de maître, la voiture ralentit et s'immobilisa. Deux ombres apparurent, le portail s'ouvrit et la voiture s'engagea dans le parc. Le portail se referma sur un claquement sec. L'auto se rangea à côté de la camionnette. Une lumière illumina le perron et l'homme qui sortit de la voiture que Luc put identifier: une somptueuse BMW, fut accueilli avec déférence. Aucun doute possible: c'était bien le "Big Boss". Trois molosses surgirent et tournèrent autour des voitures. Les hommes gravirent le perron, la porte d'entrée s'ouvrit laissant échapper un flot de lumière qui allongea les ombres des silhouettes et se referma, plongeant de nouveau le parc dans l'obscurité.

"C'est le moment", se dit Luc. 

La seule chose qui l'ennuyait: les chiens. Comment faire pour les esquiver ? Et il se refusait de les mettre physiquement hors d'état de nuire. Il y avait quelques arbres dans le parc. Oui, il avait arrêté son idée. Pour ne pas à avoir à affronter les chiens, Luc sauta d'arbre en arbre. Mais il s'aperçut qu'il lui restait néanmoins un espace d'une bonne vingtaine de mètres à parcourir à pieds pour atteindre la maison. 

De son perchoir, il observa les chiens. Ceux-ci étaient nerveux mais ne semblaient pas l'avoir remarqué. Ils s'éloignaient. Bientôt, ils disparurent derrière la grande demeure. Luc se laissa tomber au sol et se précipita vers le perron et ce fut alors qu'il se retrouva nez à nez avec un quatrième molosse qui avait échappé à son attention, babines retroussées.

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Le jeune homme s'attendit à être sauvagement attaqué, mais contre toute attente, le chien changea d'attitude. Il commença à reculer en poussant de petits cris plaintifs et glapit avant de s'enfuir, apeuré. Il constata que les trois autres chiens l'avaient bien repéré mais que, s'agitant nerveusement, inquiets, ils restaient prudemment à distance, un peu comme si quelque chose, un champ de force les empêchait d'approcher.  

Était-ce son apparence étrange, ou le Pouvoir qui produisait cet effet ? "Peu importe et de toute manière ça m'arrange bien", pensa t-il.

N'ayant plus rien à redouter des chiens, il fit le tour de l'imposante bâtisse.

Aucune lumière, la maison paraissait vide et pourtant... Toutes les portes et les fenêtres du bas étaient closes et verouillées, mais au premier, une fenêtre était entr'ouverte. "Chouette", se dit Luc qui voulait rester le plus dicret possible afin de bénéficier de l'effet de surprise. D'un bond, il s'accrocha à l'appui de fenêtre puis se hissa sur le rebord. Il poussa légèrement et les deux battant s'ouvrirent en grand. Il n'eut plus qu'à se faufiler par l'ouverture. Le jeune homme se retrouva dans une vaste chambre à grand lit à baldaquin à tentures roses aux bordures dorées avec un marche-pied, un chevet, une armoire, une commode, un psyché et une table, le tout assortis. Sur la table, éclairées par la pâle clarté lunaire, trônait un ensemble de toilette en porcelaine: une cruche dans sa bassine; Luc ne put s'empêcher de s'émerveiller quelques instants devant les motifs soignés et délicats dessinés sur la porcelaine. des pièces de valeur, sans aucun doute. Quelle atmosphère étrange, il se dégageait de cette pièce. Il se serait cru dans un roman de Chateaubriand ou Victor Hugo. Si seulement il en avait eu le temps, il se serait pris à rêver.

Il ouvrit la porte du fond qui donnait sur un long couloir plongé dans l'obscurité, mais au bout de quelques secondes une sorte de vision infrarouge se mit en place et il découvrit un environnement baignant dans une lueur verdâtre, quelques buffets bas finement travaillés et au centre, un piano droit orné de deux bougeoirs (encore une découverte, avec son pouvoir, il disposait d'une vision nocturne). Un tapis courait le long du couloir, ses pas seraient amortis.

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Luc visita dicrètement tous les niveaux de l'habitation et étrangement, elle donnait l'impression d'être inhabitée; comme si les crapules s'étaient évaporées. Un endroit lui échappait. Étaient-ils partis sans qu'il s'en aperçoive ? Il ouvrit une fenêtre et regarda dehors... Un des molosses tapi pas très loin grogna et s'apprêta à bondir avant de se raviser. Les deux voitures étaient là. Il avait exploré la maison du grenier au rez de chaussée, alors...? Une porte discrète qui faisait un angle avec l'escalier semblait s'ouvrir sur une cave et ne donnait finalement que sur un minable réduit. Et à vrai dire, au bord de la Somme, avec les risques d'inondations, pas étonnant qu'il n'y ait pas de cave. Et pourtant, il y flottait encore une odeur de tabac frais, dans ce réduit. Hormis quelques cartons vides, il n'y avait rien d'intéressant. Pourquoi s'étaient-ils attardés en ce lieu ? Et si il y avait un passage dérobé. Luc bougea tous les cartons, rien. Le sol était carrelé et aucune irrégularité ne trahissait la présence d'une trappe. Cependant, il était intrigué par les deux appliques murales qui représentaient des chandeliers. Il les examina à la recherche d'un interrupteur caché et essaya de les faire tourner dans tous les sens. Rien ne se produisit. par dépit, il donna un coup dans l'une d'elle. Elle s'enfonça légèrement sur son socle et un petit déclic se fit entendre. Mais aucun passage secret ne se découvrit. Alors, Luc fit subir le même sort à l'autre applique et après un second clic, au milieu de la pièce, une trappe coulissa en couinant et découvrit un trou béant qui s'enfonçait dans les entrailles de la terre. 

Luc s'accroupit tous les sens en éveil, s'agrippa aux barreaux métalliques scellés dans la brique rouge et entreprit de descendre. Moins de deux mètres plus bas, il toucha le sol. Un sol pavé. Devant lui, s'étalait un long boyau aux murs et au plafond en forme d'arches tout en briques qui donnait sur plusieurs pièces latérales. Certaines servaient de caves à vin, d'autres de remises où était entreposé un bazar indescriptible et il y en avait deux qui ressemblaient à de parfaites petites geôles. Luc espérait bien ne pas y finir ses jours. 

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Comme il perçevait des éclats de voix, il s'efforça d'être le plus silencieux possible; il valait mieux surprendre que d'être surpris. Faire attention à un éventuel guetteur. Le boyau formait un coude. Peut-être que quelqu'un était en planque.

Une voix au timbre inconnu vantait la réussite de l'opération. Elle disait:

- Oui messieurs, grâce au succès de ce jour, nous allons pouvoir vous doter d'un équipement beaucoup plus performant et sophistiqué. 

"Je vais peut-être pas attendre que vous les ayez", pensa Luc lorsqu'il entendit les propos de l'orateur qui devait être le "Big Boss" et qui poursuivait avec de belles envolées lyriques: 

- ... Oui messieurs, nous seront craints et respectés de tous les milieux du banditisme. N'ayons peur de dire que nous deviendront les rois incontestés de la pègre. Et comme nous avons déjà commencé à infiltrer la police, des partis politiques et certains services de la justice, je puis vous assurer que les risques seront réduits au maximum et que nous allons maintenir nos efforts dans ce sens. Les MAFFIAS italiennes souffrent actuellement, à nous de prendre le relai. Le menu fretin, "les petites mains" qui serviront nos intérêts: les jeunes des cités. Pour quelques piécettes on les aura à notre botte et si certains ne veulent pas..., je pense que vous saurez vous rendre suffisamment persuasifs pour leur faire changer d'avis. Oui messieurs, grâce à vous, rien qu'à l'évocation de son nom: le commando des Aigles, chacun tremblera et s'inclinera devant les couleurs de notre organisation.

Maintenant, Luc se tenait juste derrière la porte en métal de la pièce où étaient réunis les malfrats. La porte paraissait plutôt costaude, mais par chance elle n'était pas fermée à clef, comme en témoignait l'entrebâillement qui laissait échapper une pauvre lumière. 

Comme le speech du "Big Boss" semblait arriver à son terme, Luc se disait qu'il allait devoir se lancer dans l'arène et, même s'il refusait de se l'avouer, il avait les "chocottes". De plan, il n'en avait pas. Comme tous les garçons, il savait donner un coup de poing. Il espérait que cela suffirait. En même temps, il se disait que lui il était plutôt cycliste dans l'âme que boxeur, alors il comptait plus sur la force surnaturelle qu'il sentait couler dans ses veines, plutôt que sur sa modeste science du combat.

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